mardi 10 mars 2009

Footballeur professionnel ou la méritocratie contrariée.

Footballeur professionnel : un moyen détourné pour les classes populaires d'accéder à la réussite sociale.

"Le football européen menace d'imploser financièrement si des mesures d'économie ne sont pas rapidement prises". C'est lors d'un discours prononcé devant le parlement de l'Union européenne à Bruxelles, que le président de l'UEFA, Michel Platini, a évoqué les risques imminents qu'encouraient les clubs devant des masses salariales et des transferts de plus en plus élevés. Nul ne peut nier, en effet, que la gestion des gros clubs européens, le plus souvent détenus par des milliardaires russes, saoudiens ou américains, suscitent un certain effroi auprès des passionnés, tant les sommes investies rappellent étrangement les dérives d'un système capitaliste aux abois. En s'attaquant donc au puissant lobby des grands équipes européennes, le ballon d'or 1983-84-85 montre, d'une part son courage et, d'autre part, sa volonté de revenir à un football plus juste, plus moral; un football proche de ses racines que sont le jeu et l'équité. 

Depuis quelques semaines, tous les médias se font naturellement l'écho d'une telle déclaration. Pourtant, une nouvelle fois, la diffusion de ces informations va s'en trouver détournée. En effet, depuis plusieurs jours, télévisions, radios et presse écrite étalent sur la place publique les salaires "mirobolants" des joueurs français. Sur RMC, l'une des grandes gueules (tranche 11h-14h) déclarait ce midi : "Il est indigne de gagner autant d'argent alors que ces footballeurs ne produisent pas de richesse". En période de crise, il est alors de bon ton de comparer le salaire annuel d'un Claude Makelele avec celui d'un smicard. Certes, l'ouvrier qui travaille chez Peugeot ne pourra gagner tout au long de sa vie ce que le capitaine parisien remporte en un an. Certes, l'argument d'une carrière courte (10 ans maximum) ne doit pas faire oublier que le footballeur exerce un métier formidable pour en moyenne 47000 euros par mois.

La une du journal LeParisien (le 11/03/09)

Toutefois, cette stratégie médiatique contribue une nouvelle fois à opposer les classes sociales entre elles. Pourtant, le sport de haut niveau, et plus particulièrement le football, réussit là où l'État échoue depuis des décennies. En effet, alors que le système éducatif reproduit inéluctablement les inégalités sociales (Bourdieu), le football permet à des enfants issus de classes sociales défavorisées d'accéder grâce à leur passion, à un statut qui leur aurait été impossible de connaître grâce à un cursus scolaire normal. Chacun sait que le recrutement des jeunes talents se fait en partie dans les milieux populaires. Comment ne pas se réjouir des conséquences de tels salaires sur des familles qui ont été privées durant des générations de conforts social et matériel. 

Dans un pays où chacun semble soucieux de la réussite de son prochain et de son voisin, vous nous accorderez alors le fait que le football puisse être l'une des rares filières qui permettent une ascension sociale digne des grands pays démocratiques. Malgré cet ascenseur social, il est essentiel de réguler le football européen. L'objectif ne doit néanmoins pas résider, comme le font les médias, dans la dénonciation des salaires des joueurs. A travers le discours de Platini, se dessine une remise en question judicieuse de "l'opacité de l'économie footballistique". La presse se doit d'insister sur la masse salariale des clubs qui a doublé sur les 10 dernières années. Faut-il pour autant oublier de stipuler le partenariat étroit qu'entretient le football avec des équipementiers (Nike, Puma, Adidas, ...) où les bénéfices sont le "résultat d'une agressivité économique de délocalisation de plus en plus douteuses" (Vassort)? Faut-il passer sous silence la libre circulation des capitaux dans le football ou encore la spéculation sur la productivité financière ? 
Comme le signale le sociologue, Patrick Vassort, "le système professionnel repose sur une spéculation inflationniste, une forme mensongère, qui vise à cacher la valeur économique réelle des différents agents, des différentes structures".

"Je vous préviens, vous pouvez gueuler mais quand j'ai une idée dans la tête, je ne l'ai pas autre part."

Dorénavant, nous comprenons parfaitement bien les nombreuses critiques des grands clubs européens à l'encontre de Michel Platini. En dénonçant toutes ces dérives, l'ancien meneur des bleus s'attirent effet les foudres de Manchester United ou Liverpool. Pourtant, son projet semble ramener le football sur le terrain des valeurs fondatrices du sport. Les médias, quant à eux, se contenteront, une nouvelle fois, de polémiquer en dévoilant les salaires des joueurs et alimenteront les discussions du café du commerce : "les footballeurs sont-ils trop payés ?" (débat sur i-télé)

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