mercredi 8 avril 2009

Au nom des valeurs du sport.

"Ensemble, nous devons continuer à défendre les valeurs du sport".

"Alors même que la société cède au culte de la performance (Ehrendberg, 1991), la crise des valeurs, fut-elle largement reconstruite, rend incontournable  le retour d'un débat sur son éthique". (Thierry Terret)

Tous les ans, au mois de Juillet, le tour de France cycliste nous réserve son lot d'affaires de dopage. Tous les ans, à la même époque, les presses sportive et généraliste se ruent donc sur ces cas de tricherie et ouvrent une campagne de sauvegarde des valeurs du sport. Pendant un mois, l'égalité entre les participants devient un lobby et le sport-santé devient une préoccupation nationale. Certes, le sport participe amplement au bien-être du corps et de l'âme. A l'instar d'une alimentation équilibrée, recommandée par des campagnes de publicité affligeantes ("Prenez 5 fruits et légumes par jour, c'est bon pour la santé"), le sport serait bon pour la santé. 
Mais comme l'agriculteur, le sportif doit faire appel à des produits afin de répondre aux critères de performance exigés par notre société capitaliste. Dans une société où l'agriculture biologique n'occupe (malheureusement) qu'une place infime dans le panier de la ménagère, le sportif "sain" ne peut quant à lui exister face à l'armada de dopés associée aux laboratoires scientifiques.

Le dopage maraîcher : un moyen d'être extrêmement "burné".

Toujours est-il que nos amis cyclistes permettent aux médias, une fois par an, de s'interroger sur la véritable éthique du sport. Cependant, au nom de quelles valeurs le dopage devrait-il être proscrit ? Si ce n'est la santé, ce serait l'équité sûrement. Pourtant, le sport est par définition discriminatoire. Les différences physiques constatées entre les Hommes (grand, petit, rapide, endurant) contribuent incontestablement à rendre inégales les performances. 

Par conséquent, les valeurs du sport semblent aujourd'hui reposer sur le bien-être, l'équité ou encore le fair-play. Néanmoins, d'autres vertus fondamentales du sport existent, méritent qu'on s'y attarde et se trouvent bafouées sans pour autant que ça dérange les moralisateurs.

Ce dimanche, avait lieu la fin des championnats d'Europe de gymnastique, à Milan. A l'heure des bilans, la presse s'empressait, dès lundi, de souligner le bilan très positif de l'équipe de France. Avec deux médailles d'or (Barres parallèles et saut de cheval), elle  peut désormais estimer faire parti des meilleures nations du monde. Auparavant promis aux gymnastes des pays communistes, les podiums sont dorénavant partagés par des pays où le libéralisme est roi et où la liberté de la presse semble établie. Néanmoins, chacun laisse sous silence l'effroyable mépris de ce sport envers les valeurs du sport et les droits humains. D'une part, les entraînements "militaires" de jeunes gymnastes semblent bien éloignés du loisir récréatif et détendu recherché dans le sport. Pourquoi s'indigner également du travail des enfants en Chine alors que la gymnastique de haut niveau s'apparente à ces pratiques indignes. Chacun sait que la pratique de la gymnastique intensive stoppe la croissance des enfants et joue un rôle dans le développement hormonal des jeunes filles. Où se trouve ici l'éthique du sport. La gymnastique, par son fonctionnement, bafoue incontestablement les valeurs du sport (bien-être et respect de la personne). 

Pas d'inquiétude : elle ne souffre plus, elle est morte

D'autre part, la gymnastique, plus que tout autre sport, participe véritablement à l'embrigadement des corps évoqué par Michel Foucault (1975). Par sa logique, la gym remet en cause l'une des valeurs essentielles du sport mais également de notre république : la liberté. Ne faut-il pas être nostalgique du dictateur roumain Ceausescu pour inscrire l'un de ses enfants dans un club de gymnastique ?

La nouvelle campagne de recrutement de la Fédération Française de Gymnastique. (Taroop & Glabel)

Il est donc extrêmement difficile d'appréhender la notion de valeurs dans le sport sans prendre en compte l'évolution culturelle et politique d'un pays. Au centre d'enjeux multiples et variés, elles se trouvent régulièrement instrumentalisées par des politiques publiques diverses tels que la santé ou l'intégration. Les médias, dans l'espoir de vendre toujours plus, utilisent quant à eux des notions qui leurs échappent totalement. Le triomphe populaire du tour de France ouvre pour ces derniers, clairement une fenêtre à des débats démagogiques alors que le succès plus confiné de sports telle que la gymnastique permet des déviances qui restent sous silence. 

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